Retrouvez ci-dessous l'homélie de l'évêque, ainsi que quelques photos :

" Chers amis,

Je vous redis ma joie de présider ce matin, au milieu de vous, cette messe du Congrès départemental du Souvenir français. Il n'est pas anodin que notre célébration ait lieu le 4 octobre, le jour même où l'Église fête de Saint François d'Assise. Savez-vous que, quelques semaines seulement après le rejet en France de la suppression de deux jours fériés, l'Italie, elle, se propose d'en créer un nouveau en l'honneur de saint François d'Assise, justement, ainsi que du pape argentin du même nom ? Ce jour serait fixé le 4 octobre à partir de 2026, pour le 800ème anniversaire de la mort du saint !

Je vois trois aspects de la vie et de la personnalité de François qui nous rapprochent de la mission du Souvenir Français.

  1. Le Souvenir Français consacre son œuvre à l'adresse des soldats morts pour la France, qu'ils soient français ou étrangers. C'est bien de le rappeler en commençant. On fait volontiers de François, en effet, le portrait d’un religieux bucolique, proche de la nature, qui parlait aux oiseaux. C'est bien, c'est touchant, ça nous émeut ! Mais on oublie que François fut lui aussi un soldat : l’expérience fut brève, certes, et sans doute s’agissait-il chez lui d’ambition personnelle plus que d’une vocation militaire à proprement parler. Il n’empêche que François, qui rêve d’être chevalier, participe à une campagne militaire lors d’une guerre opposant Assise et Pérouse. Mais son engagement tourne court : il est fait prisonnier et reste durant plus d’un an interné à Pérouse. En prison, il est atteint d’une maladie grave qui le conduit à faire un retour sur lui-même, à s’interroger sur sa vie. De retour à Assise, il sombre dans la dépression, mais cette épreuve va lui être salutaire. Il découvre en effet la bonté de Dieu, ses yeux s’ouvrent et lui font voir le monde autrement : il prend conscience que la société de son temps, qui se voulait libre et égalitaire, a aussi ses exclus que sont les pauvres, les lépreux, les laissés pour compte. Et François va décider de se mettre à leur service.

  2. Le deuxième rapprochement se fait autour de l'événement de la conversion de François qui se produisit à la chapelle saint Damien d’Assise. Là, devant un crucifix bouleversant de style byzantin, il entend par trois fois la voix de Jésus lui dire : « Va, François, et répare mon église en ruine ». Ce sera le début de sa vocation. Il prend dans un premier temps la consigne au pied de la lettre et commence à reconstruire l’église de saint Damien, suivie par plusieurs autres ; avant de comprendre que le Christ évoquait plutôt l’Église comme institution, qui était en grande difficulté à l’époque. C’est vrai que l’Église de ce temps était dans une situation particulièrement dramatique avec une foi superficielle qui ne transformait pas véritablement la vie des gens, avec un clergé peu zélé, avec un refroidissement général de l'amour. Et c'est le coup de génie de François d’avoir cru à un renouveau, une revivification de cette Église engourdie, rendus possible d’abord par sa conversion personnelle, dans l’espérance ensuite d’une évolution et d’un changement à une échelle plus large, collective. Et c’est ce qui se produisit. « Réparer ce qui est en ruine », n’est-ce pas justement la mission principale du Souvenir Français qui, pour entretenir la mémoire des combattants morts pour la France, s'investit dans la remise en état et le fleurissement des stèles, des tombes, des monuments dégradés ? Il y a dans tout travail de mémoire une œuvre qui s'apparente à celle de François : sauver de l’oubli, en effet, c’est préserver de la ruine, c’est arracher à la mort définitive, c’est faire œuvre de résurrection.

  3. Le troisième rapprochement, je le vois dans l’idéal de paix et de fraternité qu’a promu François durant toute sa vie de religieux. Respectueux de chacun, n’exerçant aucun pouvoir sur personne, François est par excellence l'homme de la fraternité et de la paix. Il peut inspirer l’action des non violents par son sens de la personne humaine, son respect de l’autre et sa foi dans le dialogue. On dit volontiers du Souvenir Français justement qu’il exerce une mission « quasi sacrée » : celle qui consiste à perpétuer les valeurs de fraternité et de solidarité en rappelant que la liberté, la paix et la justice, si chères à notre République, sont des acquis fragiles qui exigent un engagement constant. C’est tout l’enjeu en particulier de la sensibilisation des jeunes générations par les interventions au sein des établissements scolaires. Quand on fait visiter à un élève un site mémoriel combattant ou qu’on lui permet de participer à une cérémonie patriotique, on lui donne la possibilité plus tard de participer concrètement à la construction d'un monde meilleur.

Puisque ce Congrès départemental marque l’étape d’un passage de témoin, nous rendons grâce au Seigneur pour la belle mission de pilotage exercée durant six années par le Général Gilles Glin, avec fidélité et un grand sens des responsabilités. Et nous souhaitons un joyeux courage à celui qui sera choisi pour lui succéder comme Délégué général. "

Thierry Scherrer
Évêque de Perpignan-Elne