Le père Claude Cesbron, prêtre retiré dans la communauté de paroisses Saint Jean Baptiste à Perpignan, s'est éteint à l'âge de 89 ans le 4 janvier dernier.
Ses obsèques ont été clébrées le 6 janvier en la cathédrale de Perpignan et la cérémonie a été présidée par le Père Évêque, Mgr Turini. 

C'est le père Francis Waffelaert, chancelier diocésain qui s'est chargé de l'homélie, pour rendre un dernier hommage à l'abbé Cesbron que nombreuses générations du diocèse ont bien connu. 

 

L'Homélie du père Waffelaert

"Pour les personnes qui se veulent disciples de Jésus, tout commence par un appel et se termine par la vie éternelle. C’est plus particulièrement vrai pour Claude CESBRON que nous accompagnons aujourd’hui.  Mais il en est ainsi de nous aussi sur le chemin qui est nôtre, dans notre histoire de vie.

I- Un appel

Il nous est arrivé un jour de répondre oui comme Claude CESBRON, pour suivre Jésus en choisissant d'être fidèles à notre baptême, ou pour une vocation de prêtre diocésain, ou en s'y préparant comme futur prêtre. Comment dire et raconter cette réponse ? C’est l’histoire de toute une vie.
Répondre à l’appel à suivre Jésus ne se résume pas à se trouver une place sous le soleil pour œuvrer dans sa vigne. C’est entrer dans un compagnonnage, dans une expérience d’intimité qui ouvre sans cesse sur de l’inédit, des surprises, mais aussi sur un enchantement qu’on n’a jamais fini d’explorer.
Au fond de lui-même, le disciple de Jésus continue de ressentir cet appel personnel et premier, qui doit demeurer assez fort pour mobiliser toutes ses énergies et toutes ses aspirations en vue du Royaume. Il s’efforce d’y répondre selon sa situation de vie, selon son âge, selon ses talents, selon ses charismes, mais surtout avec son cœur, avec toute son âme et avec toutes ses forces.
Si nous portons un peu attention à ce que nous sommes, nous pouvons comme toucher du doigt la puissance, en même temps que la prévenance du Seigneur, qui se tient à la porte et qui frappe. Nos frères et sœurs qui nous ont devancés ont eu l’occasion d’ouvrir cette porte en laissant le Seigneur prendre totalement possession de leur être. « Car la volonté de mon Père, c'est que tout homme qui voit le Fils et croit en lui obtienne la vie éternelle ; et moi, je les ressusciterai au dernier jour. » comme l’exprime Jésus au chap 6 de saint Jean.

II- Une vie de disciple de Jésus

« Voir le Fils et croire en Lui », réaliser cette parole : "je ne vous appelle plus serviteurs, mais amis", n’est-ce pas le but de toute une vie de prêtre ? En effet, le disciple de Jésus est quelqu’un qui se laisse séduire avant tout par une personne.

Oui, c’est à « cause de Jésus » que les apôtres ont tout quitté. Ils l’ont connu, ils ont mangé avec lui, ils ont marché sur les routes de Palestine avec lui. Ils ont cru en lui, en la Bonne Nouvelle qu’il portait et qu’il répandait autour de lui. De même les prêtres, "à la manière des apôtres" comme le disait un titre du Père Manaranche lors de mes années de formation.
Mais que se passe-t-il entre l’appel reçu et la vie éternelle, l'Avènement du Fils de Dieu qu’on espère, comme le dit la belle prière qui suit le Notre Père à la messe ? Il se passe, pour chacun et chacune de nous, un périple rempli de situations de vie, de moments intenses parfois, ou encore plus douloureux, de rencontres, d’amitiés et de relations de toutes sortes. C’est la vie, notre vie qui se tisse au fil des jours qui passent, même et surtout si elle n'est pas un "long fleuve tranquille".
Comme le dit la lettre aux Hébreux au chapitre 12 : nous sommes comme « des étrangers et des voyageurs …à la recherche d’une patrie. » Notre vie n’est pas une parenthèse sur cette route vers la Patrie céleste, elle est, comme dirait le poète Machado, « la route elle-même », car c’est dans le quotidien de nos vies que se noue et se développe l’alliance que Dieu veut établir avec chacun d’entre nous, que se déploie l’appel que Jésus lance à tous ceux et celles qui veulent le suivre comme disciples.
L’histoire de Claude CESBRON reflète tout cela : l’appel reçu dans un pays lointain d'Orient où l'avait conduit son père, vaillant soldat de la République Française. Claude, ayant perdu sa mère très jeune, fut mis en pension au Petit Séminaire de Pnomh Pen, où il dut subir en 1945, à ses 16 ans un temps de captivité aux mains des communistes Viet minh.. Cet épisode, ainsi que le salut presque miraculeux à la suite des prières à la Petite Thérèse, l'ont marqué à vie. Il en a témoigné un jour dans la revue "Il est Vivant".
Les hasards du rapatriement, et l'amitié avec le père Paul Millasseau, prêtre des Missions étrangères, l'ont conduit jusqu’à Perpignan, où il s’est enraciné pour cette vie de prêtre qui aura duré plus de 60 ans. Ici, il a trouvé des frères qui l'ont accompagné sur cette route, Jean Palau, Jean Labadie, une famille, celle de notre diocèse. Comme son père était resté au loin, puis est décédé dans cette guerre d'Indochine, il a été épaulé par les supérieurs du séminaire, devenus pères successifs : l'abbé Carbou, L'abbé Taillade et l'abbé André Estève, tous de vénérée mémoire. Mais il avait gardé au cœur la langue vietnamienne qu'il parlait toujours couramment, et durant toute sa vie il a été l'aumonier et l'ami des exilés de ce pays. Ils sont présents avec nous en ce jour.
Cette double fidélité, au Vietnam et au Roussillon, était émouvante, dans une certaine simplicité et naïveté. Il a eu la joie de retourner au pays en 2002, sans pouvoir revoir l'épouse de son père, sa deuxième maman vietnamienne, qui était déjà décédée.
Après des courts vicariats à Céret, à Ille et un bref passage au Petit séminaire, ce fut un long vicariat à Thuir, où il accompagnait avec son cœur et sa joie les jeunes, plus particulièrement pour les camps à Notre Dame du Corral, et la Frat des malades naissante, avec le Père Yves Bellec, Monique Rolland, Marguerite Poumiès, Madame Nadal et la chère Mimi Clos. Puis ce fut la cathédrale, avec Centre unis, et un autre bref passage à Bages et Villeneuve de la Raho, avant le retour définitif à la Cathédrale pour plus de 20 ans. En filigrane, c'était l'aumônerie de l'école Saint Jean, où il pouvait témoigner de sa joie de croire et de vivre auprès des petits et des collégiens. Enfin, à la retraite, le service auprès des personnes âgées dans les maisons de retraite du quartier, avant qu'il ne doive lui-même entrer au foyer du Saint Sacrement où il a mis son point d'honneur d'assurer jusqu'à ces derniers temps la célébration de l'eucharistie pour ses compagnons de vie au foyer...
Il sera gardé de ce prêtre le souvenir d'un cœur simple, comme un cœur d'enfant comme me disait l'autre jour sa cousine la sœur Pauline.  Aussi sa jovialité quand il était jeune (Que de fous-rires nous avions lors des dimanches soir au Petit séminaire), son accueil chaleureux, son dévouement et sa présence assidue auprès des paroissiens.

III/ Vers la vie éternelle.

À travers la banalité du quotidien, le chrétien, le prêtre, disciple de Jésus, perçoit le « fond divin » de l’existence et laisse se libérer la beauté cachée, enclose dans l'intimité, une beauté qui éclate en vie éternelle. « Aucun d'entre nous ne vit pour soi-même, et aucun ne meurt pour soi-même : si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur ; si nous mourons, nous mourons pour le Seigneur » comme le dit saint Paul aux Romains. « Dans notre vie comme dans notre mort, nous appartenons au Seigneur. » Membre de l'Union Jésus Caritas, et aussi revivifié dans les débuts du renouveau Charismatique, Claude a vécu un ministère humble dans le quotidien, fait de rencontres au hasard des demandes diverses et des célébrations. Il a contemplé l’action de Dieu dans les cœurs et les âmes et c’était pour lui la source de sa prière.
Finalement, quelle que soit notre histoire de vie, là où est l’Amour, Dieu est présent. Notre banal quotidien, s’il s’ouvre à l’Amour, s’ouvre à Dieu « car l’amour vient de Dieu » et « tous ceux qui aiment sont enfants de Dieu ». « Les gens voient cela sans comprendre ; il ne leur vient pas à l'esprit que Dieu accorde à ses élus grâce et miséricorde, et qu'il veille sur ses amis » comme le note avec à propos un passage du livre de la Sagesse.
Chers frères, souhaitons que cette célébration des obsèques du Père Cesbron soit une occasion de nous provoquer à nous ouvrir de plus en plus à cet Amour qui nous vient de Dieu par Jésus, à cet Amour qui le fait se tenir à la porte et nous dire : « Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui et je souperai avec lui et lui avec moi » (Apoc 3, 20).
Déjà dans cette célébration nous sommes invités nous asseoir et à manger « avec Lui, et Lui avec nous » dans ce banquet eucharistique qui était au cœur de sa vie de prêtre, et qui pour nous est un signe et un avant-goût du banquet éternel qui nous attend, et que je nous souhaite à tous.

Amen !"