La fête de Sainte Eulalie et de Sainte Julie a été célébrée avec ferveur à Elne, rassemblant de nombreux fidèles autour des saintes patronnes de la cathédrale.
La célébration a débuté par une procession, avant de se poursuivre par la messe solennelle au sein de la cathédrale.
Entièrement remplie pour l’occasion, la cathédrale a résonné des prières et des chants de l’assemblée, témoignant de l’attachement profond des fidèles à cette tradition.

Au cours de la messe, une intention particulière a été confiée pour les agriculteurs, rappelant leur rôle essentiel et les difficultés qu’ils traversent.

Retrouvez ci-dessous l'homélie de Monseigneur Scherrer, ainsi que quelques photos de cette matinée.

"Est-il possible de relire cette page d'évangile dans la lumière du jubilé de l'espérance dont la clôture sera célébrée dans quinze jours ici-même, dans cette cathédrale où nous trouvons ? A priori, rien ne nous dispose à pouvoir le faire tant est grave et sombre le tableau que nous brosse saint Mathieu dans cette séquence que nous venons d'entendre.

Dimanche dernier, on s’en souvient, nous avions un Jean-Baptiste au sommet de sa vocation de prophète, attirant les foules et les haranguant avec un langage vigoureux. Or c’est un tableau complètement opposé que nous fait contempler aujourd’hui saint Matthieu : du fond de sa prison de Machéronte où Hérode, par lâcheté et jalousie, l’a fait enfermer, Jean-Baptiste expérimente le dénuement total et la désolation intérieure. Lui qui avait préparé les chemins du Seigneur, lui qui avait, du doigt, désigné et montré le Messie, l’Agneau de Dieu, nous le voyons maintenant assailli de doutes, dépossédé de toutes ses certitudes, plongé dans cette obscurité profonde qu’un saint Jean de la Croix avait qualifié de « nuit de la foi ». Ultime purification de l’esprit pour préparer l’âme du Précurseur à la Bienheureuse rencontre. De là cette question poignante qu’il fait poser à Jésus par l’intermédiaire de quelques-uns de ses disciples : « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ?

Que « le plus grand des enfants des hommes » s’interroge ainsi, qu’il en soit même venu à douter nous rassure d’une certaine manière. Aucun d’entre nous ne voit la vie en rose. Lorsque des obstacles surgissent sur notre propre chemin, lorsque les épreuves et les difficultés nous assaillent, nous comprenons mieux qu’il n’est pas anormal de nous remettre nous-même en question. L’inquiétude et le doute, le sentiment de révolte, même, que peuvent susciter parfois le non-sens et l’absurde, sont des réflexes normaux. C’est humain, tout simplement, il nous faut l’admettre. Mais alors comment déchiffrer cette énigme du questionnement de Jean-Baptiste ? Il nous faut d’abord la comprendre dans la logique de cet abaissement, de cet effacement qui caractérise la vie et la personnalité de Jean. Il l’avait déclaré lui-même : « Il faut qu’il (Jésus) croisse et que, moi, je diminue ». Au moment où il va donner le témoignage suprême de sa foi dans le martyre, Jean-Baptiste disparaît complètement devant Celui qu’il est venu annoncer au monde. Et puis son doute à proprement parler n’est pas un manque d’espérance. Dans la venue de Jésus, l’attente d’Israël a bien été comblée. Simplement, entre ce que Jean a annoncé et ce qui, de fait, va se produire, il y a comme un décalage. Ce que Jean-Baptiste en effet avait prophétisé, c’était comme une explosion de la colère de Dieu, ce Dieu-Juge qui vient détruire les pécheurs par le souffle de sa bouche, ce Roi tout-puissant qui libèrera Israël par la force des armes. Rappelons-nous dimanche dernier cette image de la cognée à la racine de l’arbre. On sait bien que cet imaginaire peuplait l’esprit de beaucoup de juifs contemporains de Jean-Baptiste. Or cette annonce, nous le savons, ne correspond pas à la réalité. Car en Jésus, non seulement la colère de Dieu n’éclatera pas, mais sa grandeur au contraire va se manifester dans la faiblesse, sa puissance sera celle d’un Amour offert, d’un Amour livré qui ira jusqu’à l’effroyable humiliation de la Croix. Cela, Jean-Baptiste n’est pas encore à même de le comprendre. Il va rester comme au seuil de ce mystère ; et en ce sens, il est bel et bien un prophète de l’ancienne Alliance. Mais en levant un petit pan du voile sur ce qui doit advenir – la victoire finale ! –, il est plus que jamais un prophète de l’espérance.

À la source de cette espérance, il y a la place que tient la Parole de Dieu, et cet élément mérite d'être souligné pour nous, chrétiens. À la question du Baptiste : « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre, Jésus ne répond pas avec des mots seulement, il ne se contente pas de rassurer Jean-Baptiste en lui disant : « Oui, c’est bien moi. Je suis le Messie, le Fils de Dieu, le Sauveur du monde ». Jésus renvoie concrètement Jean-Baptiste à la Sainte Écriture en citant Isaïe. Isaïe prophétisait qu’aux temps messianiques les aveugles retrouveraient la vue, que les boiteux marcheraient, que le lépreux seraient purifiés, que les sourds entendraient, que les morts ressusciteraient, que les pauvres, en définitive, recevraient la bonne nouvelle. Et c'est bien ce dont témoignent les évangiles en leur entier. Toute l'existence de Jésus nous dit son engagement en faveur des pauvres. Le Messie ne sera donc pas, comme le croyait Jean Baptiste, un justicier, ni comme le pensaient d'autres un libérateur politique, mais bien celui qui est venu pour dire la tendresse de Dieu pour tous les hommes, surtout les exclus. C'est pourquoi Jésus côtoie les pécheurs, il mange chez les publicains, il s’invite chez des voleurs, il se commet avec des prostituées. Et en venant à eux, il leur donne à nouveau l’envie de vivre, de repartir, de recommencer ; il leur rend la dignité qu’on leur avait confisquée, il leur révèle son caractère inaliénable, chaque homme étant infiniment plus grand que tous les actes qu’il a pu commettre, même les plus graves. C'est l'espérance des pauvres qui se trouve en définitive mise en valeur dans cette page d'évangile.

Je reviens, avant de conclure, sur le lien qui relie l’espérance à la Parole de Dieu. C’est un fait que la Sainte Écriture est une source de réconfort immense dans les moments d’épreuves. On se souvient de ce qui s’était passé pour Ingrid Bétancourt, cette femme franco-colombienne prise en otage par les FARC en Colombie en 2008. Dans une lettre poignante écrite à sa mère au plus dur de sa détention, elle se disait démunie de tout, mais en possession toutefois de la Bible, « son unique luxe », précisait-t-elle. Dans la déréliction où elle se trouvait, cette femme réduite à néant par six années de captivité puisait encore des raisons d’espérer dans la méditation des Écritures. Et nous, dans les moments creux qui traversent notre existence, savons-nous puiser à la source de la Sainte Écriture, la lumière de l'espérance ?

Dans cette cathédrale qui leur est dédiée, nous célébrons ce dimanche la mémoire des saintes Eulalie et Julie, patronnes de la cité et de notre diocèse, martyres chrétiennes de Merida au début du IVème siècle. Il se trouve que, dans la bulle d’indiction du Jubilé de l’espérance, le pape François a fait explicitement le lien entre le martyre et la vertu d’espérance. Je le cite : « Le témoignage le plus convaincant de cette espérance nous est offert par les martyrs qui, fermes dans leur foi au Christ ressuscité, ont été capables de renoncer à leur vie ici-bas pour ne pas trahir leur Seigneur. Ces confesseurs de la vie qui n’a pas de fin sont présents à toutes les époques, et ils sont nombreux à la nôtre, peut-être plus que jamais. Nous avons besoin de garder leur témoignage pour rendre féconde notre Espérance. »

Que la vie donnée des saintes Eulalie et Julie nous provoque à davantage de générosité dans l’amour. Qu’au cœur des vicissitudes de l’existence, elle nous maintienne dans une invincible espérance. Qu’elle nous donne le courage d'affronter nos peurs et l’audace de témoigner de notre foi, quoiqu’il en coûte. Amen."